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Expos

Je danse, donc je dessine

Depuis 2005, Vincent Glowinski – alias Bonom (1986), peintre, dessinateur et sculpteur, s’est fait connaître par les peintures monumentales qu’il a réalisées de nuit sur les murs de Bruxelles. Squelettes de dinosaures, lions, éléphants, poissons ont tous attiré le regard du passant.

Escaladant des échafaudages ou des grues, pendu à un filin ou peignant à la perche, Glowinski a investi l’espace public en posant sa touche imparable sur des bâtiments ou des bâches de chantier. Il faut imaginer ce dessinateur fou peignant dans l’ombre, sans recul, une immense pieuvre ou un lion étendu. On avait déjà pu admirer ses carnets de croquis au musée d’Ixelles.

tyrannosaureIl est évident que Glowinski a croqué sans relâche son sujet avant de s’aventurer dans la nuit, que le dessin est maîtrisé, les proportions, l’anatomie et la morphologie de ses sujets, connues. Ce travail d’une grande beauté formelle a sûrement dû crisper quelques assemblées de propriétaires d’immeuble… mais il plaît aussi à de nombreux amoureux du dessin.

L’exposition qui s’est ouverte à l’iselp, « Bonom, le singe boiteux », présente les dessins de Glowinski et les photos de Ian Dykmans. On y retrouve des centaines de croquis au crayon ou à l’encre des animaux qui occupent aujourd’hui les doigts, le coeur et le besoin de création de Bonom. Voici l’araignée, la pieuvre et le singe…

baleine parisPour illustrer le parcours créatif et l’aspect performance des muraux de Bonom et pour en assurer la trace, voici les somptueuses photos argentiques de Ian Dykmans, qui l’a suivi dans ses pérégrinations nocturnes. Il utilise de vieux papiers pour imprimer ses clichés. “Le procédé de développement lith est assez particulier, poétique, même…”, explique le photographe. “Sa particularité réside dans la manière dont il se révèle, appelée “développement infectieux”. … Le processus se propage de manière aléatoire, rendant chaque développement aussi imprévisible et unique qu’un graffiti créé, seul, au milieu de la nuit.”

D’une grande force, ces photographies en sépia à l’aspect vintage donnent à voir la ville comme un réseau de murs à investir, sous un ciel de plomb. On y voit Bonom peindre à la perche, grimper des escaliers, se percher sur un toit comme un danseur, faisant fi d’un éventuel vertige.

On ne manque pas les vidéos des dessins réalisées par Glowinski en dansant. Le corps est plongé dans la pénombre et ses mouvements sont filmés par une caméra qui restitue la trace de leurs trajectoires sur grand écran grâce à un dispositif de capteurs de mouvements. S’y trace un fœtus, un poulpe, une pieuvre…  Une belle poésie.

place de louvainDuo à l’encre

Il y avait foule, mardi soir, devant l’iselp. Etudiants en art, passionnés de dessin, amoureux de Bruxelles et flâneurs le nez en l’air, ils étaient tous là et il a fallu se battre pour avoir une place pour assister à la performance de Vincent Glowinski (dessin) et Teun Verbruggen (batterie).

Armés de quelques simples instruments: une table, une lampe, une caméra, du papier, de l’encre de Chine, Glowinski nous a raconté une histoire, accompagné du son délicat, narratif et sophistiqué de la batterie de Teun Verbruggen.

Dès le départ, le dessinateur entame une danse. C’est tout son corps et non pas juste son pinceau qui bouge et dessine. Voici l’araignée qui occupe déjà les murs de l’iselp. Une araignée qui ressemble tant à celle de Louise Bourgeois. Cette araignée qui, en psychanalyse, symbolise la mère abusive. Tiens, d’une de ses pattes naît un singe ébouriffé ! Il passe de pattes en pattes ou de branches en branches. Plus homme mal dégrossi que singe boiteux, il se cherche. Se transforme en pieuvre, souple, organique, presque utérine. On peut dire que c’est la condition d’être humain, la question d’être au monde qu’interroge ici l’artiste. La suite voit arriver une marionnette, un coeur en feutre, un squelette. Car oui, tout finit par la mort, même si la danse de la vie est merveilleuse.

Quel moment de grâce que cette performance au milieu du souffle de centaines de spectateurs ! Quel art vivant, quel audace de genre, si loin des circonvolutions conceptuelles !

Suite au succès rencontré, trois nouvelles représentations de Duo à l’encre sont programmées : deux performances le mardi 18 mars: l’une à 18h30 et l’autre à 20h30, ainsi que le samedi 22 mars à 18h30 (sur réservation!).

Elles sont immanquables, tout autant que l’exposition !

  • Bonom, le singe boiteux
  • Ian Dykmans & Vincent Glowinsli
  • L’iselp
  • 31, Bd de Waterloo
  • 1000 Bruxelles
  • Jusqu’au 22 mars
  • Du lundi au samedi de 11h à 18h30

https://www.facebook.com/events/442927022499570/?fref=ts

http://iselp.be/

À propos de Muriel de Crayencour

On écrit bien sur ce qu’on aime. J’ai beaucoup visité de musées et d’expositions depuis toujours et ai une formation d’artiste. J’aime aller admirer des œuvres. Chaque œuvre d’un bon artiste ouvre sur notre humanité, notre universalité. Cela me touche à chaque fois. Plus j'en découvre, plus mon appétit pour l’art augmente. C’est comme une gourmandise qui ne finit pas. C’est passionnant de se rendre compte que l’œil s’éduque, comme la voix, l’oreille ou le palais. Plus je vois des choses, plus je comprends l’art. Et plus je vois de l’art, plus je comprends l’humain. Muriel de Crayencour a rédigé des chroniques sur les arts visuels durant 5 ans pour L'Echo (www.lecho.be). Elle est actuellement journaliste culture pour M Belgique.

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